Présentation d'excuses pour les relocalisations de Dundas Harbour

Aînés, jeunes et membres de la communauté,

L'histoire et la culture inuites remontent à bien avant l'arrivée des non-Inuit sur ces terres. En tant que pays, nous devons reconnaître que pendant des milliers d'années, les Inuit ont été les gardiens de l'Arctique et de ses écosystèmes, maîtrisant ces environnements vastes et difficiles. Votre expertise et vos capacités ont été façonnées par la sagesse des aînés, un engagement profond envers les pratiques culturelles, la langue et les systèmes de savoir traditionnel.

Je me tiens devant vous aujourd'hui en tout respect et humilité, reconnaissant l'importance de ce moment pour tous les gens qui sont réunis ici. Je suis ici, au nom du gouvernement du Canada, pour formuler des excuses formelles aux familles touchées par les relocalisations à Tallirutiit/Dundas Harbour.

Aux ainés et survivants des relocalisations qui sont avec nous aujourd'hui, votre courage, votre détermination, votre résilience et vos plaidoyers nous ont permis d'arriver à ce jour. Nous reconnaissons la force dont vous avez fait preuve au fil des décennies et les efforts qu'il vous a fallu déployer pour parvenir à cette reconnaissance. Vous avez porté le poids de ces relocalisations, et votre persévérance garantit que ces histoires et expériences ne seront pas oubliées.

Nous honorons également la mémoire de ceux qui ne sont plus parmi nous, des personnes qui ont enduré ces épreuves, mais qui n'ont pas vécu pour assister à cette journée d'excuses. Les excuses d'aujourd'hui sont un hommage à ces personnes, à leur vie et aux générations qui ont eu le fardeau de porter cette douleur.

Les excuses et la reconnaissance que nous présentons aujourd'hui n'auraient pas été possibles sans le dévouement et la persévérance des dirigeants et des défenseurs inuits. Isaac Shooyook et Lisha Qavavauq ont commencé à demander justice pour les personnes relocalisées et leurs familles en 2010, et ont travaillé sans relâche depuis pour faire connaître la vérité sur ces relocalisations. Leur engagement en faveur de la vérité et de la justice a ouvert la voie aux excuses que nous présentons aujourd'hui, et nous leur en sommes profondément reconnaissants.

Le gouvernement du Canada regrette profondément les décisions qui ont conduit à vos relocalisations et les souffrances qui en ont résulté. Nous reconnaissons et admettons le profond préjudice causé à vos familles, à vos communautés et à votre mode de vie.

Pour vous avoir arrachés à vos foyers et à vos familles, pour les épreuves que vous avez subies, pour les déplacements et les ruptures de liens de parenté avec la nuna (terre), et pour les promesses non tenues, nous vous présentons nos excuses les plus sincères.

Nous sommes désolés. Mamianaq.

Le gouvernement du Canada a profité de sa position dominante sur les Inuit vivant dans l'Arctique pour les déplacer afin d'atteindre des objectifs géopolitiques, sans tenir compte des souhaits des personnes relocalisées ni de l'impact que ces relocalisations auraient sur elles. Les relocalisations n'auraient pas dû avoir lieu sans le consentement éclairé des personnes à relocaliser. Des promesses qui auraient dû être tenues n'ont pas été respectées. Des familles ont été dispersées pour ne plus jamais se revoir, tout cela au service de l'intention tacite de sécuriser les îles de l'Arctique du Canada. Les personnes relocalisées et leurs familles ont porté un fardeau intergénérationnel et les conséquences de ces décisions sont encore profondément ressenties aujourd'hui au sein de la communauté concernée.

En juin 1934, le ministère de l’Intérieur annonça l'itinéraire de la patrouille de l'Arctique de l'Est, qui comprenait un arrêt à Dundas Harbour, où la Compagnie de la Baie d'Hudson prévoyait ouvrir ce qui deviendrait le poste de traite le plus septentrional du Canada. À la fin de l'été, quatre familles inuites de Cape Dorset, aujourd'hui Kinngait, accompagnées de leurs 25 chiens de traîneau, montèrent à bord du Nascopie et entamèrent leur voyage vers le nord jusqu'à Dundas Harbour. Ils quittèrent leur maison en promettant de revenir à Kinngait dans deux ans.

À son arrivée à Dundas Harbour, la communauté a été confrontée à de graves difficultés en raison des conditions climatiques difficiles et des ressources limitées qui menaçaient constamment sa survie. Il s'agissait d'une terre inconnue pour les personnes qui s'y étaient installées. Ces conditions de vie ont aggravé leur isolement et leurs difficultés. Les familles Kinngait relocalisées, qui avaient enduré des épreuves inimaginables, attendaient avec impatience le retour qui leur avait été promis.

Lorsque le Nascopie est retourné à Dundas Harbour en septembre 1936, les familles inuites ont d'abord été ravies, attendant avec impatience leur retour chez elles, comme cela leur avait été promis à l'origine. Cependant, leurs espoirs ont été anéantis lorsqu'elles ont appris qu'au lieu de retourner à Kinngait, elles seraient à nouveau relocalisées, cette fois à Arctic Bay, sur Qikiqtaaluk (île de Baffin). On a dit aux Inuit que cette relocalisation leur serait bénéfique, mais la décision a été prise sans leur consentement, ce qui a suscité des sentiments tout à fait justifiés de profonde déception et de malaise face à une nouvelle relocalisation forcée dans des terres inconnues.

Un an seulement après leur arrivée dans à Arctic Bay en août 1937, trois des familles Kinngait sont à nouveau relocalisées, cette fois vers un nouveau poste de la Compagnie de la Baie d'Hudson à Fort Ross. Les relocalisations, devenues récurrentes, ont eu un effet dévastateur sur les enfants et les jeunes relocalisés, ainsi que sur leurs familles. En 1942, un grand nombre de ceux qui avaient été relocalisés à l'origine étaient décédés. Ceux qui ont survécu avaient le mal du pays et étaient profondément isolés. Ils se sont retrouvés sur des terres où les pratiques de chasse et de pêche n'étaient pas familières et où l'environnement était rude et impitoyable. Le sentiment de déracinement et de perte était écrasant, et nul ne pouvait vraiment le comprendre sans l’avoir été vécu personnellement. Les Inuit ont été contraints de s'adapter à des conditions nouvelles et difficiles. Les conséquences émotionnelles et psychologiques de ce déracinement constant ont été immenses; les familles étant confrontées non seulement à des difficultés physiques, mais aussi à un profond sentiment de déconnexion.

Les familles Kinngait ont continué à exprimer un désir inébranlable de retourner dans leur communauté d'origine. Pourtant, lorsque la décision de fermer le poste de Fort Ross est prise en 1948, c'est sans les consulter. Une fois de plus, les décisions sont prises à leur place. Il leur a été offert de déménager à Spence Bay (Taloyoak) ou de retourner à Arctic Bay, mais ni l'un ni l'autre de ces choix ne répondait à leur profond désir de retourner chez eux, là où ils avaient été forcés de partir.

Il est clair aujourd'hui que ces relocalisations ont été motivées par une combinaison de facteurs : les préoccupations du gouvernement concernant la souveraineté dans l'Arctique et les intérêts économiques du commerce des fourrures. Nous comprenons maintenant mieux que jamais que le déséquilibre des pouvoirs entre le gouvernement colonial et ses fonctionnaires signifiait que la participation à la relocalisation n'était pas volontaire et que les Inuit ne disposaient pas d'informations précises leur permettant de prendre eux-mêmes des décisions en connaissance de cause. De plus, les participants ont été convaincus de participer sur la base de promesses qui n'ont pas été tenues.

Les conséquences de ces relocalisations ont été profondes. De nombreuses familles relocalisées ont été confrontées à des difficultés inouïes, et les traumatismes et le poids de leurs expériences ont été transmis de génération en génération. Les systèmes de savoir traditionnel sur lesquels les Inuit s'appuyaient depuis des générations, en lien avec les écosystèmes distincts de leur territoire, ont été rompus. Déplacées de leurs terres ancestrales, les familles n'ont pas pu transmettre leurs riches connaissances culturelles à leurs enfants et ont dû s'adapter à de nouveaux environnements. Ces expériences, ainsi que d'innombrables autres, ont entraîné une souffrance généralisée, de nombreuses personnes luttant contre la dépression et d'autres problèmes de santé mentale. Tragiquement, de nombreux Inuit sont décédés prématurément de chagrin, et le désir ardent de rentrer chez soi est resté une blessure constante et inguérissable.

Le traumatisme causé par ces relocalisations répétées, combiné au manque de ressources et de soutien adéquats, a créé des obstacles inimaginables et des difficultés excessives pour les personnes concernées. Le processus de relocalisation forcée a non seulement perturbé votre mode de vie, mais a également eu des répercussions durables sur vos familles et votre communauté. Le Canada est profondément désolé d'avoir manqué à sa promesse de ramener les familles Kinngait dans leur communauté d'origine et d'avoir causé d'immenses difficultés. Nous sommes désolés pour les descendants de ces familles, qui ont revécu le traumatisme transmis de génération en génération. Nous savons que ces excuses arrivent bien trop tard, car vos ancêtres qui ont vécu cette expérience sont presque tous décédés. Depuis plus de huit décennies, votre communauté vit avec les conséquences de décisions qui n'auraient jamais dû être prises sans transparence ni consentement, des décisions qui ont arraché des familles à leur foyer, perturbé des pratiques culturelles et imposé des souffrances qui se répercutent sur plusieurs générations. Des décisions qui ont été prises au sujet des Inuit, sans les Inuit.

Nous sommes ici aujourd'hui, non pas pour réécrire le passé, mais pour honorer votre vérité, pour écouter vos histoires, et pour reconnaître et affirmer que ce qui est arrivé aux membres de votre communauté était injuste. Une fois de plus, nous sommes désolés pour les préjudices causés par ces relocalisations forcées. Mamianaq.

Ces excuses auraient dû être présentées depuis longtemps, mais elles constituent un élément essentiel de notre cheminement commun vers la guérison et la réconciliation. C'est l'occasion de reconnaître que, dans les relations du gouvernement du Canada avec les citoyens du Nord, aucune décision ne doit être prise au sujet des Inuit, sans les Inuit.

Malgré les injustices subies par vos familles, vous avez conservé votre force, votre langue et votre lien profond avec la terre. La résilience des personnes relocalisées et de leurs descendants témoigne de la puissance de la culture inuite et de l'esprit durable de votre peuple.

Aujourd'hui, nous nous tournons non seulement vers le passé, mais aussi vers l'avenir. Un avenir façonné par la détermination et l'autodétermination des Inuit, ainsi que par la force de vos communautés. Votre savoir, vos traditions et votre leadership continuent de façonner l'Arctique et d'assurer un avenir prospère aux générations futures. L'héritage de vos ancêtres se perpétue dans la force de votre jeunesse, dans la sagesse de vos aînés et dans le brillant avenir qui s'ouvre devant vous.

Qujannamiimmarik. Merci beaucoup.

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