Table ronde régionale sur le Cadre stratégique pour l'Arctique : Nain, le 11 octobre 2017
Sur cette page
- Participants
- Grands thèmes et messages
- L'infrastructure globale de l'Arctique
- Des citoyens et des communautés forts dans l'Arctique
- Des économies solides, durables et diversifiées dans l'Arctique
- Les connaissances scientifiques et autochtones dans l'Arctique
- La protection de l'environnement et la préservation de la biodiversité dans l'Arctique
- L'Arctique dans un contexte mondial
Participants
Des représentants du gouvernement du Nunatsiavut, le Nunatsiavut Group of Companies, des entreprises locales et la collectivité de Nain se sont joints aux fonctionnaires fédéraux et provinciaux à Nain, le 11 octobre 2017, pour discuter de l'élaboration conjointe du nouveau cadre stratégique pour l'Arctique du Canada. Pour respecter la confidentialité des participants, le nom des personnes n'est pas divulgué, sauf si une autorisation de divulgation a été obtenue.
Grands thèmes et messages
« Le Canada doit comprendre que les Inuit ont également des objectifs, et qu'ils doivent être appuyés. » [Traduction]
- Les participants sont reconnaissants au gouvernement fédéral de les consulter de manière inclusive, ce qui est pour eux, un pas dans la bonne direction pour l'Arctique canadien.
- Toutefois, les participants veulent voir un engagement clair des gouvernements (provinciaux et fédéral) afin de s'assurer que le nouveau Cadre stratégique pour l'Arctique n'est pas qu'un exercice sur papier, et que des résultats significatifs en ressortent.
- Les participants ont fait remarquer que la région du Nunatsiavut est souvent exclue des discussions sur les politiques et la programmation concernant l'Arctique, en raison de la tendance à définir l'Arctique comme étant au nord du 60e parallèle. Les participants ont accueilli favorablement la définition élargie du cadre de la région de l'Arctique, qui inclut le Nunatsiavut.
- Les participants ont souligné que la langue et la culture inuites, qui sont uniques, doivent avoir la priorité dans l'élaboration du cadre, et que les accords sur le règlement des revendications territoriales doivent aussi y jouer un rôle central.
- Les participants ont insisté sur l'importance de la mise en œuvre et de l'évaluation de tout nouveau cadre stratégique. En raison des multiples instances et acteurs, des mécanismes de responsabilisation doivent faire partie du cadre stratégique pour l'Arctique.
- Les participants croient qu'il serait utile de préciser quels ministères et instances seront responsables des différents aspects du cadre; les habitants du Nord ne veulent pas voir les ministères et les gouvernements se renvoyer la balle. Les participants suggèrent d'incorporer un mandat dans le cadre pour s'assurer que tous les ministères le mettent en œuvre.
- Lors de la mise en œuvre d'accords sur le règlement des revendications territoriales, d'ententes sur les répercussions et les avantages, et du cadre, les parties devraient se concentrer sur l'intention des documents plutôt que sur les mots qu'ils contiennent.
- Lorsque le gouvernement prend des décisions et crée des politiques qui touchent les collectivités du Nord, celles-ci doivent absolument être consultées, même s'il s'agit d'enjeux qui sont techniquement à l'extérieur du territoire géographique des collectivités en question.
- Les participants ont aussi souligné qu'il est important d'utiliser une approche globale dans l'élaboration du cadre. Ils font remarquer que dans le Nord, les questions ne peuvent pas être organisées séparément puisque tout est relié.
- Les gens doivent avant tout manger et avoir un toit. Si de véritables progrès ne sont pas réalisés avec le cadre, la situation dans l'Arctique canadien sera la même en 2030.
L'infrastructure globale de l'Arctique
- Les participants ont fait remarquer que la région du Nunatsiavut a de nombreux besoins d'infrastructure qui doivent être prioritaires.
- Le manque d'infrastructures est une entrave au développement social et économique de la région.
- Les participants ont demandé une approche propre au contexte, invoquant que ce qui fonctionne dans le Sud, et même dans d'autres territoires du Nord comme au Nunavut, ne fonctionne pas nécessairement au Nunatsiavut.
- Aussi, toute technologie utilisée pour les infrastructures dans les collectivités locales doit être facile d'entretien. Il faut éviter la technologie complexe qui nécessite de faire venir un technicien spécialisé par avion lorsqu'il y a un bris.
Transport
- Les participants croient que le nouveau Cadre stratégique pour l'Arctique devrait non seulement se concentrer sur les nouvelles infrastructures, mais également sur l'entretien et l'amélioration des infrastructures existantes.
- Les ports de mer et les services maritimes du Nunatsiavut doivent être améliorés. Les participants ont décrit les installations portuaires comme étant trop petites, en détérioration et n'ayant pas la capacité de répondre à la demande de fret. Lorsqu'il y a un problème avec le transport maritime, un effet d'entraînement se fait ressentir dans un large éventail de situations.
- On a souligné que la bande d'atterrissage de Nain doit être modernisée. En ce moment, elle n'est pas éclairée et est trop courte; il est dangereux pour les avions et les hélicoptères de s'y poser la nuit. Et les avions ne peuvent simplement pas atterrir quand les conditions météorologiques sont mauvaises.
- Les collectivités du Nunatsiavut aimeraient être reliées au reste du Labrador par une route.
- La glace est une infrastructure essentielle pour les Inuit puisqu'elle sert de route à cette région. Le changement climatique a des conséquences sur la glace comme moyen de transport dans le Nord du Labrador. La région a perdu une grande partie de sa glace marine et les effets du changement climatique dans le Labrador sont considérables. En raison de son rôle central dans la vie des Inuit, la glace doit être prise en compte dans le cadre.
Intervention d'urgence
- Les participants ont mentionné que l'infrastructure d'intervention d'urgence doit être améliorée.
- En raison des mauvaises conditions d'éclairage des bandes d'atterrissage, les avions peuvent uniquement atterrir et décoller le jour, rendant impossibles les évacuations médicales après la tombée de la nuit.
- Il n'existe aucune infrastructure locale pour intervenir immédiatement en cas incident pétrolier, ce qui est une préoccupation majeure puisque les Inuit dépendent de la terre et de l'eau pour nourrir leurs familles. Les services de recherche et sauvetage et d'intervention d'urgence les plus près sont à St. John's.
- Les participants ont souligné le besoin d'avoir un plan d'intervention par voie maritime et aérienne.
- Il faudrait considérer la mise en œuvre d'une initiative locale d'intervention en cas d'urgence, entièrement sous la responsabilité des Inuit, semblable à celle en place à Cambridge Bay, au Nunavut.
Commodités et services
- La disponibilité d'infrastructures hydrauliques sécuritaires et saines a des effets sur la capacité de croissance des collectivités. L'alimentation en eau de certaines collectivités est conçue pour des populations beaucoup plus petites.
- Les participants ont fait remarquer que la taxe sur les émissions carboniques du gouvernement fédéral aura des conséquences sur les collectivités qui dépendent du diesel, et fera augmenter le coût de la vie. C'est pourquoi ils ont fortement recommandé de tenir compte de l'impact important de la taxe sur les émissions carboniques sur les collectivités dépendantes du diesel dans le cadre.
- Ils ont d'ailleurs souligné qu'il faudrait réduire la dépendance au diesel pour une énergie produite de sources plus renouvelables afin d'obtenir une sécurité énergétique.
- Le service Internet doit être amélioré, car il entrave sérieusement le développement économique. Les participants ont affirmé devoir encore dépendre du télécopieur puisqu'Internet n'est pas assez fiable. Les gens doivent souvent envoyer leurs courriels tôt le matin parce que le service ne fonctionne pas bien le reste de la journée. Il est normal de voir des courriels envoyés du Nunatsiavut prendre un jour ou plus pour arriver à destination.
Livraison du courrier
- Les tarifs de Postes Canada dans le Nord ont considérablement augmenté. On a suggéré de subventionner les tarifs.
Des citoyens et des communautés forts dans l'Arctique
« Le changement climatique n'est pas un phénomène de l'avenir. C'est une réalité d'aujourd'hui. » [Traduction]
- Les participants ont fait valoir que si les besoins de base comme la santé et le logement ne peuvent pas être assurés, les autres aspects du développement socioéconomique ne peuvent pas être entrepris. À ce titre, les questions comme la sécurité alimentaire, le logement et l'éducation doivent avoir la priorité dans une approche globale.
- Le changement climatique a des effets directs sur les gens vivant dans cette région. Les participants ont expliqué comment les habitants planifient leur journée ou leur semaine en se basant sur la météo. Des mesures d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation à ceux-ci sont essentielles pour avoir des collectivités solides dans l'Arctique.
- Il est primordial de comprendre la situation de pauvreté qui existe dans cette région, et d'élaborer un plan pour réduire la pauvreté. Selon les participants, il faudrait établir des bureaux locaux pour aider les gens à soumettre des demandes pour les avantages et les services auxquels ils ont droit.
Sécurité alimentaire
- Toutes les collectivités dans cette région ont une insécurité alimentaire dans les ménages qui est au moins deux fois plus élevée que la moyenne nationale.
- Les participants ont mentionné qu'un manque d'aliments prélevés dans la nature est au cœur de l'insécurité alimentaire. Les gens de ces collectivités sont principalement des chasseurs et des cueilleurs, et ont été habitués à remplir leurs congélateurs avec de la viande qu'ils ont eux-mêmes chassée.
- Les vents de 100 km/h qui étaient inhabituels font maintenant partie de la norme. Ces tempêtes de vent ont un impact sur la capacité des chasseurs de faire la récolte.
- Les participants ont expliqué que les populations de caribous sont en déclin, et que les habitants doivent changer leur alimentation traditionnelle pour des aliments achetés en magasin.
- Malheureusement, les prix pour la nourriture sont trop élevés et sont à la hausse.
- Ils ont critiqué le programme Nutrition Nord Canada, affirmant qu'il est basé sur la concurrence dans le commerce de détail ce qui est loin de la réalité dans cette région. Les participants ont expliqué que, au Nunatsiavut, les contributions pour des aliments dans le cadre de Nutrition Nord Canada vont aux fournisseurs, ce qui fait que les collectivités ne voient pas comment la contribution est appliquée aux marchandises.
- Ils ont ajouté que les contributions de Nutrition Nord Canada pour leur région sont moins importantes que celles d'autres régions au pays.
- Aussi, ils ne croient pas que Nutrition Nord Canada appuie la récolte et la vente d'aliments prélevés dans la nature dans leur région. Pour être admissibles aux contributions, les aliments prélevés dans la nature doivent être traités dans des installations réglementées par le gouvernement qui satisfont aux exigences d'inspection; les deux seules installations de ce genre sont situées au Nunavut.
- Les participants ont fait remarquer que les personnes avec un revenu plus élevé sont en mesure de s'adapter aux changements quant à la disponibilité de la nourriture, mais celles dont le revenu est plus faible dépendent des aliments prélevés dans la nature. Les aînés sont parmi les plus touchés par l'insécurité alimentaire.
- Bien que les collectivités nordiques dans d'autres régions soient obligées de faire venir toute leur nourriture par avion, l'expédition par navire est une option dans la région du Nunatsiavut puisque la saison de navigation est plus longue. L'amélioration de l'infrastructure de transport maritime pourrait apaiser les préoccupations au sujet de l'insécurité alimentaire en soutenant l'expédition par navire d'une plus grande quantité de nourriture.
- Les participants ont noté qu'avec le déclin des populations de caribous, il y a la possibilité de chasser d'autres animaux comme l'orignal, mais un permis est exigé pour cette chasse.
- Le déclin de la harde de caribous et de la récolte traditionnelle a des répercussions graves sur le bien-être mental de la collectivité; la chasse était la principale source de protéine et une activité familiale et de groupe. Les gens disent ne plus se sentir bien depuis le départ des caribous.
- Les participants ont affirmé qu'une autre façon d'assurer la sécurité alimentaire est d'établir de meilleures infrastructures : Nain a besoin de lieux pour mettre en place et offrir des programmes relatifs à la sécurité alimentaire.
Logement
- La pénurie de logements est une préoccupation majeure dans la région du Nunatsiavut.
- La grande partie de la technologie disponible pour la construction de logements est désuète ou inadéquate pour les besoins de la région. Les méthodes habituelles pour construire les maisons ne fonctionnent pas, particulièrement avec le changement climatique, il est donc essentiel de modifier l'approche utilisée pour la construction de maisons.
- Autre problème, Nain commence à manquer d'espace.
- Non seulement les coûts pour construire des maisons dans cette région sont élevés, mais d'autres coûts connexes doivent être considérés, comme la viabilisation des terrains où seront construites les maisons.
- Selon les participants, les ententes de financement entre les gouvernements doivent être réexaminées afin de refléter les coûts réels liés au logement. Particulièrement les calculs par habitant qui ne fonctionnent pas dans la région.
- Des résidences pour personnes âgées devraient être établies pour pouvoir leur offrir des services d'aide à la vie autonome. En ce moment, un grand nombre de personnes âgées doivent se rendre dans les collectivités du Sud pour recevoir des soins dans des établissements où personne ne parle inuktitut et où elles n'ont pas accès à des aliments prélevés dans la nature. Des établissements locaux pour personnes âgées pourraient aussi offrir des logements aux jeunes familles et créer des emplois et, de ce fait, améliorer la croissance économique.
- La pénurie de logements a des incidences sur l'emploi et le développement économique. Les participants ont souligné qu'il sera difficile de retenir les jeunes et les travailleurs qualifiés dans les collectivités de la région s'ils n'ont pas d'endroit où vivre, ou si leur seul choix est de rester dans des maisons déjà surpeuplées.
- Des initiatives pour réduire la pénurie de logements devraient donc comprendre les investissements directs dans les collectivités pour leur permettre de gérer le travail.
Éducation
- Comme mentionné dans le rapport de Mary Simon, de nombreux participants s'entendent pour dire que l'éducation est la pierre angulaire pour habiliter les habitants du Nord à prendre soin d'eux-mêmes.
- Les participants ont affirmé que l'actuel système d'éducation de la maternelle à la 12e année n'est pas adéquat pour cette région, mais sont conscients de l'énorme effort nécessaire pour implanter des changements.
- Ils ont demandé à ce que le Canada mette en œuvre la stratégie nationale pour l'éducation des Inuit.
- Plus de bâtiments scolaires et de lieux de formation pour l'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire sont nécessaires afin de soutenir des programmes d'éducation axés sur la collectivité.
- Le financement pour les soins à l'enfant et l'éducation de la petite enfance doit être augmenté.
- Les participants ont fait remarquer que les garderies sont uniquement ouvertes pendant l'année scolaire. Elles sont fermées pendant l'été, une saison durant laquelle la demande est pourtant élevée. Durant les mois d'été, beaucoup de parents doivent travailler et prennent part à des activités traditionnelles comme la chasse.
- Ils ont aussi noté que les aliments prélevés dans la nature ne peuvent pas être servis dans les garderies comme activité culturelle à cause des exigences en matière d'inspection des aliments.
Revitalisation des langues et des cultures
- Par rapport à la perte de l'inuktitut, un participant a déclaré que « nous devrions être en mode panique ».
- Les participants ont expliqué que la langue est une importante composante de la culture, mais qu'elle se perd à un rythme alarmant. La langue est très personnelle, elle est l'élément clé de l'identité culturelle des Inuit, et est étroitement liée à une communauté saine. Une fois qu'une langue a disparu, elle ne revient pas. Les participants ont fait valoir que cet aspect des accords sur le règlement des revendications territoriales doit être mis en œuvre en priorité.
- Il y a une pénurie d'enseignants d'inuktitut dans les écoles, et ce, principalement parce que les enseignants de langues doivent détenir un certificat pour avoir le droit d'enseigner.
- Dans le même ordre d'idées, le gouvernement du Nunatsiavut a de la difficulté à pourvoir des postes de traducteurs et d'interprètes.
- Les participants ont indiqué que pendant que le gouvernement provincial travaille à améliorer l'éducation, le gouvernement fédéral pourrait de son côté essayer de trouver des façons de revitaliser la langue. Les intervenants fédéraux dans le Nord ont un rôle important à jouer dans le maintien de l'inuktitut.
- Par exemple, le gouvernement peut soutenir des camps pour les jeunes et les personnes âgées sur le territoire, permettant ainsi l'échange de connaissances sur la langue et la culture, semblables aux programmes appuyés par Parcs Canada au parc national du Canada des Monts-Torngat.
- Il devrait y avoir davantage d'investissements dans des programmes de renaissance de la langue dans les garderies; une stratégie utilisée par les peuples maoris pour revitaliser leur langue.
- Les participants ont suggéré les stimulants pécuniaires pour les employés qui parlent couramment les langues inuites, comme avec les programmes gouvernementaux pour la promotion du bilinguisme en français et en anglais.
- On pourrait également mettre en œuvre un programme de langue pour les employés du gouvernement afin qu'ils acquièrent une bonne maîtrise de la langue.
Le système juridique
- La disponibilité des services juridiques et les améliorations à l'infrastructure nécessaires au système juridique sont des questions importantes.
- Les participants ont expliqué que dans certaines collectivités, la cour de circuit ne vient que toutes les six semaines et se tient parfois dans des endroits comme dans les bars ou à l'hôtel local.
- On s'inquiète de la compréhension qu'ont les gens qui passent par le processus de justice pénale, entre autres à cause des mauvais services de traduction.
- Il faut faire davantage pour offrir des services juridiques aux victimes. En outre, les politiques et la planification devraient prévoir la prise de mesures d'accommodement pour les victimes. Par exemple, dans au moins une collectivité, le bureau de probation est à côté du bureau des services aux victimes, ce qui signifie qu'il y a la possibilité que des détenus et des victimes se rencontrent. La durée du processus judiciaire peut aussi être un problème, car des causes sont reportées par manque de conseillers juridiques. Prolonger ces processus peut être très stressant pour l'accusé ainsi que pour la victime.
Financement de programmes communautaires
- Il faut plus d'occasions de financement qui sont propres au contexte nordique. Les organisations communautaires sont souvent forcées à essayer de cadrer avec les processus fédéraux qui n'ont pas la vision d'Inuit Nunangat et ne reflètent pas la réalité des besoins du Nord.
- Les participants ont vanté les mérites des modèles d'équité pour le financement des groupes autochtones. Ils ont souligné que le modèle de financement proportionnel au nombre d'habitants est injuste dans le contexte de l'Arctique puisque le coût de la vie y est beaucoup plus élevé, alors que la population est beaucoup moins forte que dans le Sud. Les résultats sont donc inégaux.
- Les processus de demande de financement peuvent être voraces en temps et dispendieux pour les organisations du Nord qui ont déjà des problèmes par rapport à la capacité du personnel et dont le temps et les ressources sont limités. Parfois, le langage et les exigences en matière de rapport des programmes gouvernementaux sont si complexes que l'argent ne vaut peut-être pas le temps nécessaire pour rédiger les demandes. C'est pourquoi il est suggéré de simplifier le processus de demande et d'avoir un dépôt central pour toutes les occasions de financement pour l'Arctique.
- Il est important de connaître les coûts réels pour déterminer les niveaux de financement, et pour que les programmes soient des réussites. À l'heure actuelle, les programmes sont aux prises avec des déficits.
- Les participants ont fait l'éloge de l'approche de certains programmes à Affaires autochtones et du Nord Canada qui s'éloignent des appels de propositions pour aller vers les demandes de financement de manière continue, mais affirment qu'on peut en faire davantage.
Des économies solides, durables et diversifiées dans l'Arctique
- Les petites et moyennes entreprises ont de la difficulté à avoir accès aux capitaux.
- Les participants ont souligné le manque de services bancaires dans la région.
- Les programmes de prêts pour les entreprises ont connu un succès mitigé par le passé, mais le gouvernement fédéral sera peut-être en mesure d'élaborer une meilleure approche pour ce type de programmes.
- Dans le cas de projets d'envergure dans les régions éloignées au Canada, pour lesquels le gouvernement offre des incitations fiscales et des subventions aux grandes entreprises, des exigences précises pour des partenariats locaux devraient être incluses afin de mobiliser les collectivités locales et les entreprises communautaires.
- Les participants ont fait remarquer que les collectivités dans cette région sont les plus fortement taxées au pays avec la taxe de vente harmonisée, à cause des prix élevés. Les taxes harmonisées devraient être équitables et pouvoir se rajuster dans des cas particuliers, plutôt que de s'appuyer sur une approche uniformisée.
- Aussi, malgré des niveaux élevés d'imposition, les collectivités dans la région reçoivent peu de services gouvernementaux.
- Les participants ont insisté sur le fait que le gouvernement doit honorer les accords sur le règlement des revendications territoriales et les ententes sur les répercussions et les avantages par rapport au renforcement des capacités des habitants du Nord dans la fonction publique fédérale. Il est essentiel d'aider à maintenir et à développer le bassin de travailleurs dans le Nord qui peuvent être embauchés par la fonction publique fédérale. Les suggestions comprennent :
- rendre le langage et les processus de demande d'emploi au gouvernement plus clairs pour les candidats autochtones
- offrir des occasions aux travailleurs d'améliorer leurs compétences tout en travaillant
- On a suggéré de donner la priorité aux entreprises locales/autochtones dans l'approvisionnement fédéral afin d'aider au développement économique local. On donne l'exemple de l'approvisionnement en vue du nettoyage des sites du Réseau d'alerte avancé, pour lequel le gouvernement fédéral a sélectionné une grande entreprise américaine dont l'offre était moins élevée, plutôt que de choisir l'offre canadienne des Inuit qui aurait très certainement été plus rentable du point de vue de l'emploi et de l'approvisionnement locaux.
- Le développement économique est étroitement lié à l'infrastructure, puisque l'infrastructure joue un rôle important pour encourager les entreprises à venir s'installer dans la région.
- L'infrastructure est actuellement l'un des plus grands obstacles au développement économique. Se lancer en affaires n'est pas évident; simplement trouver le moyen de faire venir le matériel dans la collectivité et d'obtenir le courant pour exploiter l'entreprise est tout un défi.
- Les ressources humaines limitées sont un autre défi majeur. Il y a un besoin pour des travailleurs compétents et instruits dans ces collectivités, mais le nombre de travailleurs qualifiés est limité.
- Les participants ont expliqué que le travail saisonnier dans l'Arctique canadien est coutumier et devrait être abordé différemment que dans les autres parties du pays.
- La nécessité de prendre des assurances gêne aussi les entreprises. Les participants se sont plaints que le gouvernement n'offre pas de financement pour ce dont les entreprises locales ont réellement besoin. Le gouvernement du Canada fournit du financement pour des initiatives comme le renforcement des capacités et les ateliers, mais les entreprises locales ont besoin d'assurance collective et de microprêts.
Les connaissances scientifiques et autochtones dans l'Arctique
Savoir autochtone
- Les participants ont souligné l'importance de reconnaître le rôle du savoir autochtone et des détenteurs de connaissances. Ils ont décrit les situations dans lesquelles des chercheurs arrivent de l'extérieur des collectivités et ne donnent aucun crédit aux sources de connaissances locales. C'est pourquoi de nombreuses personnes ont simplement cessé d'aider les chercheurs, bien que la situation soit en train de changer.
- De cinq à sept ans ont été investis dans la recherche scientifique à la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, mais il doit aussi y avoir une approche équitable par rapport au savoir autochtone.
- De plus, il faut reconnaître que la science de l'Arctique et le savoir autochtone sont deux systèmes différents, et l'un ne devrait pas être forcé à s'intégrer à l'autre.
- Selon les participants, le point de départ vers le changement serait de faire affaire avec des établissements canadiens qui croient sincèrement que le savoir autochtone est équivalent à la science, et non pas comme une chose sans importance.
Établir le programme de recherche : priorités de recherche
- L'autodétermination des Inuit dans le domaine de la recherche signifie de faire des recherches sur des questions qui sont importantes pour les Inuit. Dans le cadre de la réconciliation, il devrait y avoir un mécanisme en place, pour les habitants du Nord et les Inuit, permettant d'intégrer les priorités de recherche.
- Le gouvernement a l'obligation de surveiller l'environnement dans le Nord, et particulièrement de se concentrer à la recherche de base pan-nordique sur le changement climatique, en incorporant le savoir autochtone et le renforcement des capacités.
- Des données de base sont nécessaires pour toutes les zones d'environnement dans la région. Les participants ont décrit l'état actuel des connaissances comme « un énorme vide ».
- Ils ont ajouté que lorsque les gens parlent de changement climatique dans l'Arctique, ils font surtout référence au milieu naturel de l'Extrême-Arctique, et ne pensent pas à l'incidence du changement climatique sur la population. Le cadre doit inclure les connaissances détenues par les personnes qui vivent ces changements dans cette région afin de transmettre le message que le changement climatique est bien réel.
- On a aussi fait remarquer qu'il y a une tendance à se fier au milieu universitaire pour la recherche, ce qui ne reflète pas les priorités nordiques. Par exemple, on effectue beaucoup de recherche sur la glace marine, mais pas assez sur les impacts de la glace marine sur les Inuit.
- Les participants ont fait part de leur intérêt à obtenir plus d'information sur le milieu biologique marin et sur les habitudes migratoires des oiseaux.
- La recherche est utile quand elle amène des résultats pratiques qui peuvent résoudre un problème pour le bien de la collectivité.
- Il a été suggéré que les Inuit devraient avoir les droits exclusifs des données hydrographiques de l'Arctique, pour qu'ils aient un certain contrôle sur les navires qui passent dans les régions, et qu'ils deviennent possiblement les « magnats de l'activité maritime » dans le Nord.
- On a noté un intérêt pour d'autres enquêtes semblables à l'Enquête auprès des peuples autochtones et au questionnaire détaillé de recensement, afin d'obtenir des données à long terme et continues qui pourraient fournir les statistiques nécessaires.
La recherche
- Les participants ont dit préférer l'idée de la recherche soutenue par les Inuit, plutôt que la recherche sur les Inuit.
- Ils ont affirmé que la recherche doit guider les politiques, en insistant sur le fait qu'elle doit inclure les Inuit et les habitants du Nord, et non pas seulement le milieu universitaire.
- Les participants ont remarqué que de nombreux spécialistes de l'Arctique cités dans les médias ne semblent pas être des Inuit, et ont ajouté que « les Inuit sont les premiers scientifiques en tant que détenteurs des connaissances, et devraient dès le départ, faire partie des projets de recherche. » [Traduction]
- Un membre du personnel de Parcs Canada a expliqué le fonctionnement au parc national du Canada des Monts-Torngat, cogéré par un conseil composé uniquement d'Inuit qui établissent les priorités de recherche dans le parc. La recherche effectuée dans le parc est donc centrée sur les Inuit et menée en partenariat avec le gouvernement du Nunatsiavut et la Société Makivik. Ils font participer les aînés, renforcent les capacités par le biais de programmes pour les jeunes et diffusent la recherche dans un langage clair. C'est un modèle dont on pourrait s'inspirer.
- Les participants ont souligné le rôle essentiel que les partenariats devraient jouer dans la recherche, particulièrement pour le renforcement des capacités à court terme.
- De plus, le milieu universitaire et les ministères aiment utiliser des outils de mesure comme les publications à comité de lecture pour mesurer la qualité de la recherche, mais cette façon de procéder est moins pertinente du point de vue des collectivités.
- Les efforts liés au renforcement des capacités dans la recherche tendent à mesurer, par exemple, combien d'étudiants diplômés sont en formation, mais nous devons aussi tenir compte des mesures comme, quels sont les avantages pour la collectivité, et combien d'Inuit sont en formation?
- La mise en œuvre de la recherche devrait inclure des Inuit.
- Les participants ont fait savoir que, lorsqu'on parle de projets menés par des habitants du Nord, cela ne veut pas automatiquement dire qu'ils sont menés par des Autochtones, il est donc important de ne pas confondre ces mesures.
- La recherche reposant sur le savoir inuit réduira les coûts, car le recours à des gens des environs, qui connaissent la région, évitera de faire venir des étrangers par avion.
- La région du Nunatsiavut a un comité consultatif de la recherche par lequel les chercheurs doivent passer pour obtenir l'autorisation de mener une recherche; ainsi, le gouvernement peut s'assurer que les projets sont envoyés aux personnes adéquates qui doivent être mises au courant.
- L'éducation joue un rôle important dans l'autodétermination et le renforcement des capacités pour les Inuit en tant que chercheurs. Les participants ont affirmé qu'il est curieux de voir que des étudiants diplômés viennent dans la région pour faire de la recherche pendant quelques semaines, puis poursuivent leurs études en vue d'obtenir une maîtrise et un doctorat, et publient des articles; pendant ce temps, les gens de la région appuient ces projets de recherche de façon ponctuelle pendant des années, sans même obtenir un agrément, une certification ou toute autre forme de jalon qui mènerait à l'avancement professionnel.
- La diffusion de la recherche est également nécessaire : le Canada est très efficace pour propager les connaissances à l'international, mais peu efficace pour le faire à l'échelle régionale. Il est primordial que la même information soit diffusée dans les collectivités afin qu'elles puissent l'utiliser.
La protection de l'environnement et la préservation de la biodiversité dans l'Arctique
- Selon les participants, il est important de considérer l'écosystème dans son ensemble, et non pas le catégoriser.
- Le ministère des Pêches et des Océans est celui qui détermine quelles sont les priorités en matière de conservation, mais ne tient pas compte des préoccupations des Inuit, et se concentre plutôt sur des eaux à des centaines de kilomètres de leur secteur.
- Les agents de conservation dans cette région n'ont pas les pouvoirs de police pour protéger les espèces sauvages et les poissons. Ces pouvoirs devraient être confiés aux gouvernements Inuit dans le but d'appliquer les règlements et d'éviter un contexte de libre entreprise et de surpêche.
- Les participants ont dit qu'il serait intéressant de jeter un coup d'œil aux nouvelles espèces qui se déplacent vers l'Arctique (comme le bar rayé) et d'étudier comment ces espèces se comportent dans la région, et quel en sera l'impact dans l'Arctique. Il serait également utile de savoir où vont les oiseaux migrateurs; il y a un manque d'information à ce sujet.
- Les participants ont discuté de l'annonce récente de l'établissement d'une aire protégée autochtone au large de la côte Nord du Labrador. Ils ont vanté les avantages de l'initiative incluant le fait qu'elle serait menée par des Inuit, qu'elle protégerait les régions proches du rivage et aideraient au développement économique local. Le cadre devrait reconnaître les processus en place pour gérer les aires protégées autochtones. Il est évident que l'environnement doit être protégé, mais les participants ont affirmé que si les thèmes et les objectifs du cadre sont trop généraux, il y a le risque que les questions particulières soient oubliées.
- Ils ont fait valoir que les ressources et le financement doivent être intégrés dans des annonces faites dans le cadre, comme pour la formation et la recherche; autrement, les initiatives du cadre ne seront pas aussi utiles qu'elles pourraient l'être.
L'Arctique dans un contexte mondial
« Entendre dire que le Canada est un dirigeant dans l'Arctique est très honorable, mais le Canada doit regarder comment vont ses citoyens dans l'Arctique, avant de se présenter comme un leader mondial. » [Traduction]
- La proposition du gouvernement fédéral de « Préparer le Canada à remplir son rôle de dirigeant dans l'Arctique » a été mise en doute par les participants, puisque selon eux, les Inuit du Canada sont les plus mal en point sur le plan socioéconomique dans la région circumpolaire à l'exception des Inuit sibériens.
- Un enjeu majeur est le changement climatique et l'ouverture du passage du Nord-Ouest pour accroître le trafic maritime. Ce pourrait être un avantage (meilleur accès aux marchés internationaux) comme ce pourrait être une menace (possibilités de déversements de pétrole brut compte tenu du transport de pétrole brut et d'autres matières dangereuses) pour la région.
- Avec l'ouverture du passage du Nord-Ouest, les participants ont noté le besoin d'accroître les capacités locales pour se charger des activités de recherche et sauvetage et des interventions d'urgence. Ils ont fait remarquer que la capacité d'intervention d'urgence la plus près est à St. John's, ce qui pourrait occasionner d'importants retards dans l'arrivée des intervenants en cas d'urgence.
- Aussi, étant donné la fonte sans précédent des glaces dans l'Arctique, il y aura un intérêt accru pour le pétrole dans l'Arctique. C'est pourquoi il sera essentiel de clarifier les politiques du Canada sur cette question. Les participants ont parlé de l'importance pour le gouvernement de considérer l'Arctique du point de vue des Inuit, c'est-à-dire un endroit où des gens vivent et non pas uniquement un endroit dédié à la libre exploitation des ressources.
- Le Canada devrait négocier un accord de libre-échange avec les régions du Nord ou un libre-échange entre les Inuit. Il existe actuellement des restrictions sur l'importation et l'exportation de certains produits de ressources fauniques.
- Les participants ont souligné que le savoir inuit devrait être pris en considération au moment de délimiter les frontières canadiennes dans l'Arctique.
- Pour ce qui est du processus d'élaboration du nouveau cadre stratégique pour l'Arctique, le gouvernement du Canada a été encouragé à tendre la main au Conseil circumpolaire inuit pour obtenir ses commentaires sur les enjeux internationaux.