Rapport provisoire sur le Modèle de leadership partagé dans l’Arctique

ᐃᓄᒃᑎᑐᑦ (Version Inuktitut)

par Mary Simon, représentante spéciale de la ministre
soumis le 31 octobre 2016

Les opinions et les points de vue énoncés dans le présent rapport indépendant sont ceux de Mary Simon, la représentante spéciale de la ministre sur le leadership dans l'Arctique. Il ne s'agit pas nécessairement des opinions ou des points de vue du gouvernement du Canada. Pour obtenir une copie du rapport provisoire en Innuinnaqtun veuillez nous contacter.

Table des matières

Introduction

Je suis heureuse de fournir un rapport provisoire sur les activités liées à l'élaboration d'un modèle de leadership partagé dans l'Arctique que j'ai entreprises depuis ma nomination à titre de représentante spéciale de la ministre Bennett le 5 août 2016. La phase I de cette initiative comprenait une mobilisation préliminaire avec divers dirigeants et spécialistes de l'Arctique Canada (voir l'annexe 1 pour consulter le sommaire). Le processus de mobilisation est loin d'être terminé alors que des discussions plus détaillées sont prévues au cours de la phase II.

Permettez-moi d'abord de souligner que la déclaration du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et du président des États-Unis, Barack Obama, sur un nouveau modèle de leadership partagé dans l'Arctique se révèle prometteuse en raison de sa portée et de son accent sur un processus de collaboration. Prise au sérieux, en plus de la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, elle permettra d'ouvrir un nouveau chapitre en ce qui concerne les relations et les partenariats entre les peuples autochtones et non autochtones. Selon ma propre expérience de leadership, l'inclusion peut favoriser une meilleure collaboration et une véritable réconciliation. J'ai entendu notre premier ministre réitérer à répétition son désir de « joindre la population, de l'écouter et d'apprendre d'elle ». C'est dans cet esprit que j'ai accepté d'agir en tant que représentante spéciale de la ministre Bennett et que j'ai choisi de mobiliser les dirigeants élus du Nord ainsi que leur personnel expérimenté, les scientifiques, les représentants de l'industrie, les organisations non gouvernementales et les jeunes au sujet d'une nouvelle vision pour l'Arctique, et ce, en commençant par une discussion sur la définition de nouveaux buts de conservation.

Pour la phase I de cette initiative, la ministre Bennett m'a demandé de « formuler des avis sur de nouveaux objectifs de conservation ambitieux pour l'Arctique dans le contexte du développement durable ». Plus tard dans ce rapport, je présente quelques mesures audacieuses que le gouvernement pourrait prendre afin de faire avancer la définition de nouveaux buts de conservation pour l'Arctique.

La conservation commence avec des personnes et des collectivités fortes et en santé

J'aimerais vous souligner que la majorité des habitants du Nord avec qui j'ai discuté ne souhaitait pas discuter en premier lieu de la conservation. Même si les préoccupations liées à la conservation influencent de nombreux aspects des ententes sur les revendications territoriales dans le Nord, les peuples de l'Arctique ainsi que leurs organisations représentatives et leurs gouvernements sont davantage préoccupés par les enjeux associés au soutien des familles et des collectivités fortes, et au développement d'économies robustes.

En fait, les stratégies qui ont été mises en oeuvre au cours de ma vie dans l'Arctique étaient rarement équivalentes à l'ampleur des lacunes fondamentales entre ce qui existe dans l'Arctique et ce que les autres Canadiens tiennent pour acquis, et elles ne permettaient pas d'aborder ces lacunes. Combler ces lacunes est ce dont les habitants du Nord, dans l'ensemble de l'Arctique, souhaitaient discuter avec moi en tant que priorité urgente. La réconciliation est liée de façon inextricable à cette réalité. Un nouveau modèle de leadership dans l'Arctique, si celui-ci peut se séparer des multiples documents sérieux antérieurs sur l'avenir de l'Arctique, doit aborder ces enjeux de base sur les droits de la personne.

Cette perspective était particulièrement évidente lors de mes rencontres tenues par l'intermédiaire d'un forum de type vidéoconférence avec de jeunes étudiants de quatre écoles de l'Arctique. J'ai été inspirée par le niveau de mobilisation et d'engagement des jeunes sur des enjeux comme la salubrité alimentaire, la protection de l'environnement, la prévention du suicide, l'éducation, la protection de la langue et de la culture, les logements et, sans surprise, le comblement du fossé numérique. La conservation était perçue selon l'optique de bâtir des collectivités saines, de protéger la culture et l'identité autochtones, et de s'assurer qu'une faune abondante est disponible pour les générations à venir.

Il convient également de prendre note que ces affaires actuelles continuent d'être la priorité de chaque programme, et ce, aux quatre coins de l'Inuit Nunangat (l'ensemble des quatre régions inuites). Les dirigeants, les familles, les jeunes, les aînés et les autres membres des collectivités soulèvent ces enjeux avec passion et souvent avec désespoir.

Par exemple, pendant mes discussions avec le gouvernement du Nunatsiavut, Muskrat Falls monopolisait les esprits des membres. La contradiction apparente entre les initiatives énergétiques et la santé et le bien-être des collectivités locales défie la logique. Dans ma propre région, le Nunavik, et la région de la baie James, les ravages physiques et psychologiques de la contamination par le méthylmercure sont bien documentés. Il est difficile de demander aux dirigeants de réfléchir aux objectifs de conservation en adoptant une vue d'ensemble dans cette atmosphère.

Tel qu'il est indiqué dans ma lettre de mandat, j'examinerai les questions sociales, économiques et environnementales plus vastes au cours de la phase II. Cependant, il est important de souligner dès le début que les habitants du Nord considèrent les questions urgentes liées à l'éducation, aux services de santé mentale, au manque d'infrastructure de base, à la salubrité alimentaire et à l'importance d'honorer les ententes touchant les revendications territoriales comme des priorités. Ces questions plus vastes ne sont en aucun cas des préoccupations secondaires aux yeux des habitants du Nord. Aucune remarque ne m'a touché autant du point de vue personnel durant mes consultations initiales avec les dirigeants du Nord lorsqu'on m'a dit que la « conservation n'est pas durable si elle est entourée de pauvreté ».

Conduite en matière de conservation dans l'Arctique

Afin d'orienter mes discussions sur la définition de nouveaux objectifs de conservation, un ensemble de cartes ont été créées en fonction des renseignements existants sur les aires protégées de l'Arctique. Celles-ci ont été utiles au moment de préciser les endroits où les futurs efforts de conservation pourraient être concentrés. Grâce à cet exercice, il est évident que les initiatives de conservation axées sur les terres arctiques, comme l'établissement de parcs, de réserves de biodiversité et de sanctuaires, en particulier dans le contexte des ententes sur les revendications territoriales protégées par la Constitution, ont entraîné des mesures de conservation des terres qui surpassent déjà les normes nationales. En règle générale, on a observé que les dirigeants des gouvernements territoriaux souhaitent résoudre les questions en suspens liées au transfert des responsabilités avant de discuter de nouvelles initiatives de conservation axées sur les terres, tandis que certaines organisations de revendications territoriales veulent avoir l'assurance que les cadres de l'entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits garantiront des avantages qui sont liés de manière plus efficace à la gestion et à la surveillance, à la formation, aux emplois, à la prestation des services et aux possibilités d'affaires.

Possibilités de conservation marine

En revanche, les initiatives de conservation marine entreprises dans l'Arctique n'ont pas pu maintenir le rythme de la conservation des terres. Par exemple, les Inuits ont déterminé au cours de leurs propres processus de planification que 20 p. 100 de l'aire marine total représentait des « aires importantes » à leurs yeux. Au moyen de divers processus de planification, les gouvernements ont déterminé que 55 p. 100 de l'aire marine représentait des aires revêtant une importance du point de vue marin, alors que 12 p. 100 d'entre elles chevauchent directement les aires inuites. Pourtant, moins de 1 p. 100 des aires marines jouit d'une protection législative.

À l'heure actuelle, des discussions ont lieu sur la protection marine dans l'Arctique. Par exemple, la Commission Pikialasorsuaq (polynie des eaux du Nord) semble être en bonne position en vue de devenir candidate pour une nouvelle initiative de conservation marine entre le Groenland et le Canada. Le gouvernement du Nunatsiavut a fait du développement d'une vision de conservation pour ses eaux une priorité. En dernier lieu, la Qikiqtani Inuit Association a souligné l'importance de faire en sorte que le détroit de Lancaster devienne une aire marine nationale de conservation.

Une autre chose est claire. On retrouve un vaste ensemble de connaissances locales et de sciences appliquées ainsi qu'une expérience approfondie de la valeur de ces initiatives de conservation dans l'Arctique, car elles peuvent entraîner l'élaboration de politiques et de pratiques dans l'avenir. Il y a également de multiples opinions et pratiques émergentes qui lient la protection de l'environnement au bien-être, à la résilience et à la capacité d'adaptation des collectivités nordiques.

Nouvelles opinions innovatrices en matière de conservation

Lors de nos consultations préliminaires, nous avons été informés de programmes de conservation innovateurs, de politiques et d'outils législatifs servant à renforcer le rôle des aires protégées dans le contexte de la viabilité des collectivités. Dans la recherche commandée pour cette première phase de nos travaux, l'un de ces instruments a fait l'objet d'un examen plus détaillé, à savoir l'aire protégée autochtone. Ce concept tient à l'idée qu'une aire protégée est explicitement conçue pour accommoder et appuyer les intérêts autochtones. Ce type de désignation a le potentiel de favoriser une « économie de conservation » dans laquelle le capital naturel et social est rétabli et non réduit. Elle permettra d'appuyer les collectivités et les personnes à réacquérir des aptitudes de vie axées sur les terres, à rétablir leur lien avec leurs traditions culturelles, à recueillir les connaissances autochtones, et à leur redonner confiance qu'il y aura toujours des « endroits qui leur appartiennent ».

Voici quelques exemples de programmes à l'appui d'une économie de conservation :

  1. la réserve de parc national Gwaii Haanas
  2. la réserve d'aire marine nationale de conservation Gwaii Haanas
  3. le Working on Country Indigenous Ranger Program de l'Australie
  4. les travaux réalisés dans le cadre de l'Initiative de leadership autochtone en vue de créer un National Indigenous Guardians Program
  5. le statut juridique reconstitué du parc national Te Urewera en Nouvelle-Zélande.

Le rapport circonstanciel sur les aires protégées autochtones examine l'importance associée au fait que le Canada devienne le premier pays au monde à avoir un mécanisme juridique pour reconnaître officiellement les aires protégées autochtones. Je suis d'avis qu'un de ces jours, la bonne direction provoquera un changement de paradigme en matière de conservation dans l'Arctique.

Processus de définition des objectifs de conservation

Je me montrerais négligente si je ne mentionnais pas que la conduite associée à la définition des objectifs de conservation dans l'Arctique avait reçu des résultats mitigés en raison d'un lourd processus et d'ententes sur les avantages mal élaborées. Il n'a pas toujours été évident de déterminer si les ententes sur les avantages liées aux initiatives de conservation ont permis d'aides les collectivités adjacentes et celles plus près des terres. Des exemples m'ont été fournis, comme l'aire marine qui jouira prochainement d'une protection à Darnley Bay, Anguniaqvia Niqiqyuam, dans les Territoires du Nord-Ouest, où ces ententes sont inexistantes. On s'inquiète du fait que lorsque les ententes sur les avantages possibles pour les collectivités touchées sont interprétées de manière restrictive, cela représente un important obstacle à la valorisation d'une économie durable dans l'Arctique. L'enjeu devient de plus en plus complexe, car Pêches et Océans Canada, Parcs Canada, le Service canadien de la faune et Environnement et Changement climatique Canada ne partagent pas une approche pangouvernementale aux cadres et aux ententes sur les avantages de la conservation.

Recommandations sur la définition de nouveaux objectifs de conservation

Selon le travail que j'ai effectué jusqu'à présent, et à la condition que je présente des recommandations finales en fonction d'un processus de mobilisation achevé le 31 mars 2017, je suis satisfaite à l'idée de déterminer trois secteurs d'intervention qui appuieraient un nouvel objectif de conservation ambitieux dans l'Arctique.

  1. Le gouvernement du Canada devrait aller de l'avant avec la planification de la désignation des aires marines de conservation éventuelles en collaboration avec les organisations de revendications territoriales.
    1. L'engagement qu'a pris le gouvernement de protéger 10 p. 100 de l'océan Arctique d'ici 2020 demeure un objectif ambitieux, mais réalisable, si les organismes fédéraux priorisent la planification accélérée, de concert avec les organisations inuites de revendications territoriales, des aires riches du point de vue biologique qui ont déjà été désignées au moyen de processus de planification axée sur les revendications territoriales par les collectivités inuites et les organismes gouvernementaux.
    2. Au fur et à mesure que le processus passe de la détermination des aires à la négociation de leur désignation, le gouvernement devrait étudier, en collaboration avec les Inuits, un ensemble d'avantages uniformes et innovateurs qui lient la gestion et le suivi de la formation et de la prestation des services pour garantir la création d'emplois pour les Inuits dans les collectivités avoisinantes.
  2. Le gouvernement du Canada devrait progresser vers la détermination de mesures stratégiques et juridiques qui seraient requises à l'établissement d'aires protégées autochtones (APA) aux fins de nouveaux objectifs de conservation marine ambitieux.
    1. Dans l'esprit des travaux accomplis pour atteindre la cible de 10 p. 100, le gouvernement devrait envisager de créer un cadre d'APA global qui exprimerait clairement la façon dont la conservation marine peut être soutenue grâce à une nouvelle vision partagée dans l'Arctique.
    2. Un des éléments clés des APA qui devrait faire l'objet d'un examen est l'idée de renforcer et d'unir la gestion et le suivi innovateurs de la formation ainsi que des emplois qui devraient être initialement créés en fonction de la cible de 10 p. 100, et ce, dans le cadre d'un programme d'intendance côtière à l'échelle de l'Arctique.
    3. Le gouvernement devrait trouver des options en vue d'obtenir une source de financement futur stable qui est destinée aux APA et qui reflète le rôle d'intendance que les Inuits joueraient dans les régions de l'océan Arctique qui sont importantes pour l'ensemble du Canada.
    4. Le suivi des emplois créés dans ce contexte devrait se faire en fonction d'une vaste approche interministérielle. Même si ces emplois étaient créés dans les aires de conservation, on pourrait également satisfaire aux besoins en matière de suivi des autres organismes fédéraux et territoriaux (par exemple, Transports Canada, Pêches et Océans Canada et le ministère de la Défense), réalisant ainsi des économies et promouvant la prestation de services locaux qui est traditionnellement dominée par une expertise et des ressources provenant du Sud du Canada.
  3. Le gouvernement devrait accélérer le processus visant à faire du détroit de Lancaster une aire marine nationale de conservation grâce à la limite accrue de la Qikiqtani Inuit Association.
    1. Le détroit de Lancaster, Tallurutiup Tariunga, est l'une des aires les plus importantes au chapitre culturel et écologique de l'Arctique canadien. Il est communément appelé le Serengeti de l'Arctique.
    2. La Qikiqtani Inuit Association a proposé un agrandissement de 109 000 kilomètres carrés qui, à lui seul, permettrait d'atteindre 2 p. 100 de l'engagement du gouvernement de conserver 5 p. 100 des eaux arctiques d'ici 2017.

Autres recommandations

Tel que je l'ai mentionné précédemment, plusieurs de mes discussions sur la définition de nouveaux objectifs de conservations ambitieux dans l'Arctique sont rapidement devenues des discussions stratégiques plus vastes liées à un nouveau modèle de leadership dans l'Arctique. J'ai noté de nombreux thèmes de base qui ont découlé de ces discussions et que j'examinerai plus en détail en cours de la phase II, à savoir :

Quelles sont les prochaines étapes?

D'ici février 2017, je prévois terminer la deuxième phase de mobilisation de ce projet. Jusqu'à présent, je n'ai pas pu organiser des rencontres avec divers dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de même qu'avec les gouvernements du Yukon et de Terre-Neuve-et-Labrador. Ces rencontres sont donc en tête de ma liste de priorités. Je souhaite aussi collaborer avec le Secrétariat afin de créer une base de données de réunions tenues avec les intervenants et de présentations écrites pour faciliter l'analyse du rapport final.

Je continue d'être encouragée par les discussions que j'ai eues jusqu'à présent, mais je dois toujours communiquer avec de nombreux autres intervenants et en rencontrer d'autres à nouveau afin d'avoir des discussions plus détaillées. Par exemple, j'ai uniquement participé à des discussions préliminaires avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, donc des réunions de suivi doivent être organisées le plus rapidement possible. Il n'y a pas de tâches faciles et je ne suis pas à la recherche d'un consensus bien que mon but soit d'entendre un éventail représentatif de points de vue.

Même si la conservation est le principal thème de cette phase initiale, je considère mon travail comme une occasion de rassembler des opinions sur la façon dont une nouvelle ère de la conservation et du développement durable dans l'Arctique peut faire partie de l'engagement du gouvernement, soit d'en arriver à une véritable réconciliation avec les peuples autochtones. Le long historique de colonialisme et d'abus ne peut pas être facilement effacé. La réconciliation doit être axée sur l'établissement d'un lien de confiance, le développement de relations plus fortes et égales, et la démonstration d'un véritable respect pour les cultures, les traditions et les aspirations autochtones. Sans une population nordique saine, confiante et optimiste, il n'y aura aucun développement durable et équitable, et aucune réconciliation avec les peuples autochtones de l'Arctique.

Annexe 1 : liste des activités de mobilisation réalisées du 5 août au 31 octobre 2016

J'ai élaboré et lancé un plan de mobilisation auprès de divers dirigeants et spécialistes de l'Arctique canadien. Le processus de mobilisation n'est pas terminé et de nombreuses organisations importantes n'y ont pas encore pris part. Le présent sommaire tient montre uniquement des rencontres en personne.

Annexe 2 : sommaire d'un rapport intitulé « Examen du concept d'une aire protégée autochtone et son application possible dans le Nord du Canada, en particulier dans le contexte des aires marines »

Ce rapport porte sur le concept d'une aire protégée autochtone (APA) dans les contextes suivants :

  1. les engagements que le gouvernement du Canada a pris en ce qui a trait au thème de la réconciliation entre la société coloniale et les collectivités autochtones du Canada
  2. l'engagement du gouvernement d'établir des aires protégées supplémentaires, surtout des aires marines protégées dans l'Arctique
  3. l'obligation de consultation et d'accommodement de la Couronne en ce qui concerne l'établissement de nouvelles aires protégées et des fonctions semblables qui sont énoncées dans les ententes modernes sur les revendications territoriales.

Le concept des APA a été popularisé en Australie. Même si le terme n'est pas employé dans les lois, il s'agit d'un important concept de politique qui réunit les intérêts du Commonwealth et du gouvernement des États afin de développer et d'élargir les réseaux d'aires protégées et les aspirations en matière de gestion des terres autochtones, comme la prise en charge d'un pays, le maintien d'un pays sain et le bien-être de leurs paysages hérités. Bien que les premières APA aient été fondées sur les terres frappées d'un titre aborigène, certaines d'entre elles reconnaissent l'intérêt autochtone en ce qui concerne les terres qui ne sont pas assujetties à la propriété autochtone. Certaines APA comprennent les aires marines. Les APA ont été utilisées dans le contexte des aires protégées existantes et nouvelles. Le concept des APA est un instrument flexible qui peut être mis en oeuvre par l'intermédiaire de différentes techniques juridiques, y compris :

  1. l'utilisation de la désignation aborigène ou autochtone particulière dans un État ou une aire législative protégée du Commonwealth
  2. l'utilisation d'une désignation existante conformément aux lois sur les aires protégées des États ou du Commonwealth, d'une entente de gestion appropriée et d'une entente de location
  3. des lois précisément adaptées pour traiter la question.

Les caractéristiques communes du programme comprennent la reconnaissance explicite de la participation des Autochtones à la désignation, à la protection et à la gestion du site, ainsi que d'autres activités connexes comme l'appellation et le financement pour permettre aux peuples autochtones de négocier des engagements accrus associés à la gestion des parcs nationaux existants déclarés par le gouvernement et d'autres aires protégées.

Il existe des concepts semblables dans d'autres pays. Un exemple particulièrement important et de grande portée d'une désignation conjointe provient de la Nouvelle-Zélande où le parc national Te Urewera a été reconstitué en tant qu'aire protégée au moyen de lois, et il possède maintenant son propre statut juridique sui generis et sa propre capacité. Son nouveau statut juridique reconnaît l'état biculturel et l'importance de l'aire.

Conformément aux lois fédérales, il existe trois principes pour l'établissement d'une aire marine protégée (AMP) au Canada :

  1. article 35 de la Loi sur les océans
  2. une aire marine protégée en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada
  3. une aire marine nationale de conservation (AMNC) en vertu de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada.

Dans la plupart des cas, les lois applicables ne font pas référence à la participation active des collectivités autochtones dans la création des AMP. Même s'il est possible que cela se fasse de manière stratégique et pratique, les lois ne parviennent pas à reconnaître et à célébrer le rôle important que les collectivités autochtones pourraient jouer dans la création, la gestion et la protection des AMP. La Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada est une exception partielle, mais elle ne tient pas expressément compte, par exemple, de la désignation commune des aires protégées ou du statut biculturel de telles aires. Aucune de ces lois ne fait mention de dispositions sur le soutien financier pour les collectivités autochtones en ce qui a trait à l'exercice de responsabilités d'intendance et d'autres responsabilités connexes associées aux AMP. Encore une fois, cela pourrait se faire de manière pratique, surtout en raison des dispositions des ententes sur les impacts et les avantages (EIA) liés aux ententes sur les revendications territoriales, mais ces idées ne sont pas reflétées dans les lois. La conclusion d'accords novateurs pour la réserve de parc national Gwaii Haanas confirme que les collectivités autochtones et le gouvernement peuvent sortir du cadre des dispositions des lois applicables et avoir recours aux ententes ou aux traités pour adopter des concepts comme la désignation mutuelle et réciproque des aires protégées, la responsabilité partagée en matière de gestion des aires protégées et les ententes sur les avantages. Toutefois, il y a une certaine valeur associée au fait de reconnaître explicitement ces idées et ces mandats dans les lois. La reconnaissance explicite permet de fournir des directives stratégiques et budgétaires claires aux responsables ministériels ainsi que d'appuyer et de célébrer la participation des Autochtones, et ce, au plus haut niveau juridique.

Il vaudrait la peine que les accords conclus entre les provinces et le gouvernement (par exemple, les accords pour le Saguenay-Saint-Laurent) fassent l'objet d'un examen plus approfondi en tant qu'exemple d'engagement partagé et de responsabilités d'intendance.

Le rapport recommande que les idées et les objectifs sous-jacents du concept des APA soient davantage examinés et débattus avec les collectivités autochtones, les gouvernements territoriaux et les intervenants afin d'aborder la mesure dans laquelle le concept pourrait permettre de traiter les objectifs de réconciliation et d'atteindre les buts des aires protégées, tout en examinant les obligations constitutionnelles conformément au droit commun et aux modalités des ententes sur les revendications territoriales applicables. Un objectif clé des consultations serait de déterminer la façon, si cela est possible, et la mesure dans laquelle les idées et les objectifs sous-jacents du concept des APA ajoutent une valeur aux accords actuels, en particulier ceux énoncés dans les ententes sur les revendications territoriales.

Les idées et les objectifs sous-jacents du concept des APA pourraient être mis en oeuvre de différentes façons, y compris une nouvelle désignation législative propre aux APA. Le rapport ne préconise pas cette approche étant donné qu'elle pourrait nuire aux désignations actuelles, de même qu'aux options et aux initiatives législatives, et rendre l'atteinte des objectifs liés aux aires protégées plus difficile. Le rapport ne recommande pas d'étudier la modification systématique des lois sur les aires marines protégées fédérales afin de reconnaître explicitement les intérêts autochtones. Parmi les principales idées soulevées, mentionnons la nomination commune de sites éventuels; l'adoption de plans de gestion et de plans sur les avantages par accord ou par consensus; les questions liées à l'appellation et aux langages; la reconnaissance des principes directeurs, y compris la réconciliation, l'intendance conjointe, la réciprocité, le biculturalisme, la responsabilité des générations à venir, le respect des connaissances autochtones, les pratiques d'intendance et les lois; l'utilisation continue par les collectivités autochtones; les plans sur les avantages et les plans de gestion pour aborder l'ensemble des questions et des possibilités découlant des pratiques exemplaires associées aux ententes actuelles sur les revendications territoriales et celles d'autres pays, comme les politiques sur les APA de l'Australie; la détermination de la catégorie pertinente de l'UICN d'une aire protégée et l'engagement pris par les deux parties en vue de maintenir ce statut. Un bon nombre de ces idées et de ces concepts figurent déjà dans les politiques et les pratiques, mais un objectif clé serait de reconnaître ces idées et de les intégrer aux lois en tant que véhicule pour la reconnaissance publique et nationale de l'importance de la participation des Autochtones dans le réseau des aires protégées du Canada.

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